Après le chant des coqs ou les odeurs de crêperie qui dérangent les voisins, c’est au tour du chant nuptial des grenouilles de faire parler d’eux : en avril 2021, plusieurs voisins d’une petite commune de Savoie, à Frontenex, ont adressé un courrier avec en copie la mairie à une dame âgée de 92 ans. En cause : les coassements incessants de trois grenouilles dans une mare gêneraient plusieurs voisins. Trois grenouilles avaient en effet élu domicile dans le bassin de son jardin.
La lettre des voisins expliquait le problème en ces termes : « Les grenouilles coassent de jour comme de nuit […] Leur coassement est difficilement supportable à certaines heures du jour et de la nuit, car le bruit est fort et constant. Avec le retour des beaux jours, et comme cela se produit depuis quelques années, nous n’allons pas pouvoir profiter sereinement de nos espaces extérieurs et laisser nos fenêtres ouvertes pendant la nuit ».
Leur coassement est difficilement supportable à certaines heures du jour et de la nuit, car le bruit est fort et constant.
Les voisins gênés par les coassements des grenouilles
Mais courant avril 2023, l’affaire a pris une autre tournure, puisque les gendarmes se sont rendus au domicile de la dame âgée pour lui demander de… déplacer ses grenouilles. Et les voisins seraient en passe d’obtenir gain de cause, à en croire le témoignage de la famille concernée. Pourtant, ceux-ci restent sceptiques, et refusent de les déplacer. Dans une interview publiée par France 3 Région, Colette, 92 ans, témoignait : « Pourquoi les enlever ? Elles reviendront après… donc ce n’est pas la peine de se bagarrer. Elles sont venues toutes seules, je n’ai pas été les chercher. Les gens ne savent plus quoi faire pour embêter le monde. »
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Brigitte Bardot réagit
Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là. L’histoire a en effet pris une ampleur nationale. Après la LPO, c’est la figure de la défense du droit des animaux, Brigitte Bardot, qui a réagit à cette affaire. Elle a qualifié les voisins de « gros ploucs » en les invitant à déménager si les grenouilles les dérangeaient. « Je conseille à ces gros ploucs d’aller s’installer proche d’un aéroport ou d’une autoroute afin de profiter du bruit des moteurs qui leur permettront de rêver et de dormir« . déclarait t-elle vendredi dernier.
En réponse, les voisins concernés estiment que l’affaire est présentée de manière biaisée. Effectivement, médias locaux et nationaux ont beaucoup relayée cette histoire. En réalité, cet évènement qui peut prêter à faire sourire, doit nous interroger sur notre rapport à la nature, à l’heure ou le réchauffement climatique et l’’effondrement de la biodiversité sont des faits scientifiquement reconnus.
Les grenouilles : une nuisance sonore ?
Le coassement des grenouilles à cette époque de l’année est un phénomène naturel. Les grenouilles rainettes, incriminées dans cette histoire et qui peuplent nombre de zones humides en France, ont une période de reproduction qui s’étale d’avril à juin. Durant cette période uniquement, elle émettent un chant de jour comme de nuit qui évoque une douce musique aux oreilles de certains, un vacarme assourdissant pour d’autres.
Toutefois, il est bon de rappeler que les batraciens des étangs de jardin sont considérés comme des animaux sauvages. En tant que tels, juridiquement parlant, ils ne peuvent pas être considérés comme des sources de nuisances sonores au même titre qu’une tondeuse ou une installation musicale bruyante. Les amphibiens sont libres de leurs mouvements et leurs coassements est un phénomène naturel, la période de reproduction d’une espèce étant une période clé d’un point de vue écologique.
A noter qu’une histoire similaire en Haute-Savoie, incriminant cette fois-ci des coqs et leurs chants aux aurores, fera sans doute jurisprudence. En effet, la cour d’appel de Chambéry a estimé, le 9 décembre 2021, que le chant du coq n’est pas une nuisance sonore, mais un « inconvénient normal ». Le parlement est même allé plus loin, en adoptant une loi le 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises, dont le coq fait partie.
Si le coq est considéré comme tel, au même titre que le chant des cigales ou l’odeur du fumier, le chant des grenouilles ne devrait-il pas en faire lui aussi partie ?


Que faire en cas de conflit de voisinage autour du chant des grenouilles ?
La première chose à faire est de discuter avec les voisins concernés, pour essayer de trouver un arrangement à l’amiable. En effet, c’est la première étape à suivre pour résoudre tout conflit que vous pourriez avoir avec vos voisins, que ce soit en raison de l’éclairage extérieur qui vous dérange ou du manque d’entretien de leur jardin. Vous pouvez leur rappeler que le coassement des grenouilles est un phénomène parfaitement naturel, au même titre que le roucoulement des pigeons ou le braiement d’un âne, dont vous n’êtes pas responsable. Changer la perception des « nuisances » naturelles et la meilleure façon de résoudre ces conflits de voisinage.
Il est également possible de supprimer la végétation flottante de l’étang ou de la piscine naturelle qui attire les grenouilles, on installer un jet d’eau pour créer des remous à la surface de l’étang.
Si les solutions précitées ne suffisent pas, alors en dernier recours on peut envisager le déplacement des grenouilles. Mais cela ne doit pas se faire n’importe comment : les amphibiens capturés, au titre d’espèces protégées, doivent être relâchés dans un biotope similaire. Leur capture doit se faire en présence d’un spécialiste des amphibiens. A noter que même en procédant ainsi, le résultat n’est pas garanti ! Déplacer les grenouilles ne les empêchera pas de revenir quelques temps plus tard.
Enfin, la mesure la plus radicale consisterait à combler la zone humide. Cette option détruira immédiatement l’habitat de toutes les grenouilles et autres espèces présentes. A l’heure de l’effondrement de la biodiversité, et de la disparition progressive des zones humides en France (on estime que les zones humides ont diminué de 67% en 100 ans), est-ce vraiment raisonnable ? Les zones humides sont de formidables réservoirs de biodiversité, et un point d’eau dans un jardin aide tout un écosystème, qui plus est avec des sécheresses de plus en plus fréquentes. A ce titre, le réensauvagement de nos jardins est une étape essentielle. Il est important de rappeler que les zones humides ou n’importe quel point d’eau, aussi petit soit-il, contribue à protéger la biodiversité en période de sécheresse. Plutôt que de créer des conflits autour de ces biotopes indispensables au bien-être de tous, encourageons les à prospérer.
Les grenouilles sont des espèces protégées en France
Aux personnes mal intentionnées, rappelons que s’en prendre aux grenouilles est illégal : tous les amphibiens en France sont considérés comme des espèces protégées. Leur enlèvement, capture ou destruction est interdit sans autorisation spécifique. En avril 2017, un agriculteur qui avait pulvérisé des produits phytosanitaires dans son bassin d’irrigation avait été condamné à 3.000 euros d’amende et 5.400 euros de dommages et intérêts à des associations portées parties civiles.
Alors, doit-on continuer de voir la nature et la faune comme une variable d’ajustement, contrôlable, nuisible ? Ou au contraire, l’accepter telle qu’elle, l’inviter dans nos jardins et la protéger, avec les « inconvénients normaux » qu’elle peut générer ?
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